Souvenirs De Mme MONARD

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On était dans un petit village dans les Hautes Alpes, 7 familles. C'est à 1500 m d'altitude. Quand il avait neigé pendant la nuit, les parents attelaient le traîneau et faisaient la trace. Et nous, nous suivions derrière. On était parfois en retard mais on n'était pas puni parce que ce n'était pas de notre faute. Mon père nous avait fait des luges et nous étions heureux de pouvoir aller à l'école en luge.
On habitait loin de l'école aux Richards à côté de Pont-du-Fossé. Ce sont des maisons sur une crête.
Je suis d'une famille nombreuse, 9 enfants. Ma mère filait la laine et nous faisait de longs bas. Ca faisait comme des guêtres. On n'avait pas froid, ma foi. Au printemps à Pâques, on quittait l'école pour travailler dans les champs jusqu'à la fin d'octobre, après que les pommes de terre étaient arrachées. On en a manqué de l'école, mais mon père ne disait rien parce qu'il n'aimait ni l'école, ni l'éducation.
J'ai passé mon certificat d'études à 14 ans avec mention.
Il y avait une école pour 3 villages, sans qu'il n'y ait un ramassage scolaire. L'école est fermée maintenant.
Je préférais l'histoire et la géographie, j'aimais bien dessiner les fleuves. J'aimais beaucoup chanter. On chantait une fois par semaine. Le soir, je notais les chansons dans un petit cahier et je faisais des illustrations autour des majuscules, des oiseaux, des fleurs, des arabesques. Ce cahier, mes petites- filles l'ont, et elles se le disputent. " Ah ! comment faisais-tu mamie, pour faire des majuscules aussi bien ? " Que de compliments ! C'était fait encore avec la plume et de l'encre.
Mon père était très intelligent. Il n'était pas allé à l'école. Il ne savait ni lire ni écrire mais il pouvait résoudre des problèmes avec sa tête. Maman ne savait pas non plus écrire parce qu'elle était la plus jeune et que ses sœurs aînées écrivaient pour elle.
Souvent le temps manquait pour faire le devoir. On devait aller chercher de l'eau ou bercer la petite sœur pour qu'elle s'endorme ou amener les vaches à l'abreuvoir ou aller scier du bois pour la journée. Le soir tout le monde se réunissait autour de la grande table illuminée par une lampe à pétrole. Les adultes jouaient aux cartes et nous devions faire encore notre devoir.
On n'était pas malheureux parce que dans une ferme il y a de tout : cochons, œufs, du blé, des lapins…. J'y suis souvent retournée avec ma sœur. Je montais quelques jours chez elle et nous faisions nos escapades là, où nous avions gardé les moutons. Et alors, on mangeait là, sur une pierre. Il y a des gens qui sont descendus de la montagne. Alors on a parlé un moment et ils disaient : " mon dieu ! ces maisons-là, comment elles sont perchées ! " Eh j'ai dit : c'est là où nous sommes nées. Ils n'en revenaient pas .
A la ferme, chacun avait sa tâche. On obéissait. Mon père était très sévère mais il savait récompenser. J'avais une sœur qui était plus rebelle que nous, des fois elle en recevait quand même. Maintenant il est défendu de battre ses enfants et c'est mieux ainsi. On peut leur donner une punition sans les battre.
Nous n'avions pas de livres à la maison. Mon père avait des livres, pas pour nous, de quelqu'un qui avait fait de grands voyages en bateau. On n'avait pas le temps de lire et on préférait s'amuser aussi. Quand il neigeait et que nos parents allaient visiter à la veillée quelqu'un qui était malade, nous étions coquines. Nous nous levions et allions nous promener en luge ! Et ils avaient une lanterne pour s'éclairer, ainsi nous les voyions arriver de loin.

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